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Au Sénégal, la condamnation du maire de Dakar pourrait gêner la candidature de son allié, Khalifa Sall, à la présidentielle

L’affaire, vieille de douze ans, colle à la réputation du maire de Dakar. Le 22 décembre 2011, Barthélémy Dias est filmé devant sa mairie de la commune de Mermoz-Sacré-Coeur, dans la capitale, un pistolet dans chaque main. La tension est palpable à quelques semaines d’une présidentielle qui s’annonce tendue, alors que des hommes menacent d’attaquer le bâtiment. La situation dégénère, et un manifestant, Ndiaga Diouf, présenté comme un nervi du Parti démocratique sénégalais (PDS), est tué par balle. Barthélémy Dias est rapidement mis en cause.
Douze ans plus tard, le dossier est sur le point de se clôturer. La Cour suprême a confirmé vendredi 22 décembre la condamnation de Barthélémy Dias, 48 ans, à deux ans de prison dont six mois terme pour « coups mortel ». Une culpabilité que continue à démentir l’édile, même s’il reconnaît avoir fait usage de ses armes. « Je me considère comme victime d’une injustice », a déclaré Barthélémy Dias lors d’une conférence de presse quelques jours avant l’audience, le 15 décembre.
Pour Barthélémy Dias, qui a déjà purgé sa peine en détention préventive, aucun risque de retourner en prison. Mais alors que le jeune maire de la commune Mermoz-Sacré-Coeur est devenu en 2022 l’élu de la capitale tout entière et a gagné un mandat de député de l’opposition, cette affaire pourrait avoir des conséquences politiques pour la présidentielle du 25 février 2024. Elle pourrait le priver de siège à l’Assemblée nationale, et par ricochet, gêner son allié, Khalifa Sall, l’une des principales chances de l’opposition pour la présidentielle du 25 février. Barthélémy Dias a en effet déjà accordé son parrainage de député au leader de Taxawu Sénégal. Il en faut 13 pour qu’un dossier de candidature puisse être déposé devant le Conseil constitutionnel le 26 décembre. Cependant, la destitution de M. Dias n’est pas automatique. Il revient à Aissata Tall Sall, la ministre de la justice de Macky Sall, d’en faire la demande.
Dans le camp du maire de Dakar, on dénonce une affaire politique. « C’est une histoire très longue avec des soubassements politiques. A la veille de chaque élection, on a remué le procès », dénonce Thierno Ndiaye, l’un des conseillers politiques de Barthélémy Dias, qui rappelle que son client avait été convoqué pour son procès en appel en novembre 2021 puis en mars 2022, à la veille des élections locales et législatives, ce qui avait provoqué des altercations avec les forces de l’ordre et une brève incarcération de l’inculpé.
En vingt ans de lutte politique commune commencée au Parti socialiste (PS), Barthélémy Dias et Khalifa Sall ont l’habitude de lier leurs destins. Ensemble, ils ont été exclus de leur formation politique en 2016, et dès l’année suivante, ensemble, ils ont combattu la justice du président Macky Sall alors que Khalifa Sall, maire de Dakar, était emprisonné.
Marchant sur les pas de son mentor, Barthélémy Dias a été à son tour élu à la tête de la capitale en 2022 grâce au soutien de l’ex-Pastef d’Ousmane Sonko. Mais l’alliance a fait long feu : au sein de l’opposition, M. Sall et M. Dias ont fait le choix d’une ligne plus modérée que M. Sonko, adoptant notamment une stratégie de dialogue avec le pouvoir. « Traîtres », pour les partisans du Pastef, ils ont décidé que Khalifa Sall défendrait les couleurs de Taxawu Sénégal lors de la prochaine présidentielle. En vue du 25 février, Barthélémy Dias fait partie de ses plus proches conseillers. Mais il pourrait continuer à être embarrassé par ses démêlés judiciaires. Selon ses avocats, la décision de la Cour suprême n’est pas définitive. « Ce n’est pas terminé, nous pouvons toujours intenter la procédure de rabat d’arrêt », une procédure rare qui permet d’annuler la décision de la plus haute juridiction du pays, explique Me Ciré Clédor Ly, l’un de ses conseils.
Théa Ollivier( Dakar, correspondance)
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